Durant l’occupation musulmane, l’Espagne a connu de
nombreux massacres de juifs. Les trois religions parviennent à cohabiter dans une
relative tolérance. Cependant à partir du XVe siècle, mais surtout des XVIe et
XVIIe siècles, les catholiques n'acceptent plus la présence des autres
religions en Espagne. Apparaissent alors les décrets de pureté de sang et
l’Inquisition à la fin du 15ème siècle. Les décrets renvoient à la
qualité d’être vieux chrétien, à la différence des nouveaux chrétiens qu’ils
rejettent car les vieux chrétiens doutent de la réalité de leur foi chrétienne.
L’Inquisition, aussi mise en place fin 15ème siècle, est un groupe
ecclésiastique conçu à l'origine pour contrôler et juger la pratique de la
foi dans le royaume. Tout cela entraine le début d’une forte période
d’intolérance qui n’est pas terminée à la fin de la période étudiée puisqu’elle
se renforce. De quelle façon
l’intolérance en Espagne, assez faible au début du XVème siècle, s’est-elle développée de façon
significative pour atteindre son paroxysme au XVIème siècle ?
I)
Un renouveau de l’intolérance (fin du
XVème siècle) à travers l’apparition de l’Inquisition et le développement des
décrets de sang.
a.
Une intolérance née d’une haine
contre les conversos.
Les conversos sont les juifs nouvellement convertis au christianisme. Les chrétiens critiquent les conversos et les
accusent de n’avoir que peu la foi chrétienne, ce qui, paradoxalement, est
parfois vrai puisque ces derniers sont souvent convertis de force pour
échapper à une exécution. Les chrétiens sont en réalité jaloux de la réussite
de certains conversos qu’ils considèrent comme inférieurs, ce qui fait naître
une haine des vieux chrétiens envers ces nouveaux convertis. Cette haine
générale est visible par exemple dans l’insurrection de Tolède en 1449. À cette
époque, la Castille était en guerre contre l'Aragon. Il s'agissait de récolter
des subsides pour entretenir les troupes. La ville refusa de payer (près d'un
million de maravedíes) et se révolta, prenant pour cible Alonso Cota, un Juif converti
soupçonné d'être à l'origine de cette ponction. Cette insurrection, menée par
Pedro Sarmiento, conduisit à la retraite de l'armée royale. Pedro Sarmiento
chassa par décret tous les nouveaux convertis des postes importants de la ville
de Tolède.
b.
Des réticences naissent de tels
actes, balayés par de nouvelles pratiques d’intolérance.
Le pape Nicolas V s’oppose vivement, dès septembre 1449, à cette
intolérance et ordonne d'appliquer de sévères mesures contre les tourmenteurs
des conversos. Cependant, des pressions de grands ecclésiastiques le forcent à accepter la création de l’Inquisition par le roi Ferdinand V le 17 septembre
1480 pour calmer une insurrection à Séville. Cette institution a pour but de
juger la foi des conversos et de punir les hérétiques. Elle n’hésite pas à
brûler vivants les « coupables d’hérésie » et à pratiquer des tortures
telles que celle par l’eau, consistant à faire ingurgiter de l’eau au torturé
en bouchant ses orifices jusqu’à l’étouffer ou le faire éclater littéralement. L’inquisiteur qui marquera profondément l’histoire est Tomás de Torquemada (de l'ordre des
Dominicains), chargé d’éradiquer l’hérésie sur le territoire espagnol à
partir de 1482. Il est le symbole du fanatisme religieux et de la violence de
l’Inquisition espagnole et a une grande responsabilité dans la généralisation
de la torture et des bûchers.
L’intolérance est pratiquée par les vieux chrétiens à travers les décrets
de sang, remis au goût du jour par Torquemada en 1482 pour se débarrasser des
minorités religieuses. Ils renvoient à la qualité de vieux chrétien, dénuée de
toute ascendance juive, par opposition aux nouveaux convertis. Cette
distinction montre donc une distinction religieuse opposant les vieux
chrétiens, ou hidalgos, aux conversos.
c.
Ces mesures prennent des proportions
exceptionnelles et entrainent de
nombreuses violences à la fin du XVème.
Cette aversion envers les
conversos pousse les chrétiens à les désigner comme victimes principales de
l’Inquisition, ce qui conduit à des violences hors du commun : environ
2 000 conversos sont brûlés. Le caractère souvent expéditif de la
procédure provoque même les protestations du Saint-Siège, base de la légitimité
de l’Inquisition. Cette intolérance contre les conversos est telle que le 31
mars 1492, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, décident de faire
expulser tous les juifs du royaume au nom de l'unité religieuse. Cela conduit à
l'exode de milliers de juifs espagnols dans le bassin méditerranéen.
Les premières victimes
des décrets de sang sont les conversos. L’Inquisition légitime et prône l’idée
de « pureté du sang » par les Décrets et essaye donc de débusquer et
de condamner les marranes (juifs convertis) qui continuent à pratiquer leurs
rituels juifs en cachette. Le but étant d’écarter du pouvoir toute personne récemment convertie au christianisme.
Les conversos sont de
plus en plus discriminés dans la société espagnole et perdent peu à peu leur
droit à cause de l’intolérance à leur égard. Il convient de rappeler que le
statut de « conversos » discrimine
une famille sur plusieurs générations à travers l’interdiction pour les
conversos d’accéder à la plupart des métiers. Cette forte intolérance
religieuse fait des conversos des parias de la société qui ne peuvent accéder
aux principales institutions civiles ou ecclésiastiques espagnoles puisqu’ils
ne peuvent prévaloir d'un statut de "limpieza de sangre" (ne pas avoir de sang
converso). Ces statuts sont des documents d'ordre privé, spécifiques à chacune
de ces institutions, n’ont aucune valeur officielle et ne sont pas
généralisés. Les souverains espagnols ne cherchent néanmoins pas à s'y
opposer. Cette intolérance va donc jusqu’à dénier les droits d’une
partie de la population.
ð On a donc affaire à un renouveau de l’intolérance
en Espagne car les Rois catholiques veulent favoriser une unité autour de la
religion. Pour cela, ils créent l’Inquisition et les décrets du sang qui se
concentrent, au XVème siècle, contre les conversos ( d’origine juive ) et mènent à
des expulsions et des massacres. L’intolérance espagnole augmente donc
drastiquement au XVème siècle et va continuer à se développer.
II)
Un développement de plus en plus
important de l’intolérance au XVI qui élargit le champ de ses justiciables.
a. Les décrets influent
beaucoup sur l’émergence d’une race supérieure (même si le terme de race
apparait bien plus tard). Ainsi, dès 1530, l’Inquisition et l’inquisiteur Fernando
de Valdés y Salas mettent en place les certificats de « pureté du sang » et
le devoir d’acquérir le blanc-seing afin de prouver qu’aucune personne non
catholique ne souille sa famille. Pour cela, on fait appel à des "linujados", qui
sont des enquêteurs examinant les preuves afin de juger la pureté de sang. Cette pratique intolérante va encore plus
loin puisque ceux qui ne possèdent pas cette distinction se voient refuser de
nombreux droits comme l’accès à l’université ou le mariage.
b. La traque
contre les juifs est si efficace qu’il n’en reste qu’un faible nombre,
l’intolérance se tourne alors vers de nouvelles victimes. Dès le début du 16ème
siècle, l’Inquisition et les décrets s’en prennent aux musulmans nouveaux
convertis qui sont accusés de ne pas avoir la foi catholique et aux autres
musulmans. Puis, dès 1525, cette intolérance se tourne vers les protestants et
surtout vers les Luthériens comme lors du grand autodafé de 1559 où des
dizaines de Luthériens sont brûlés.
On peut donc voir que l’intolérance, à travers l’Inquisition et les
décrets, touche de plus en plus de personnes. Cependant, l’Inquisition s’occupe
peu de la sorcellerie contrairement au reste de l’Europe. L’Inquisition joue un
rôle primordial dans ce processus de purification religieuse.
c.
Une intolérance qui touche également
le domaine social.
En effet, les décrets de "limpieza de sangre" ne s’occupent plus
uniquement du domaine religieux mais causent la naissance d’une intolérance sociale. Les décrets distinguent
au 16ème siècle les vieux chrétiens nobles appelés hidalgos des
bourgeois nouveaux chrétiens, nouvelle élite qui est douteuse pour les
hidalgos. Les décrets deviennent un substitut de noblesse envers une nouvelle
classe dominante : les « gentilshommes chrétiens ». Cela causerait donc une
intolérance sociale. De plus, les
mœurs de la société sont étroitement surveillées et contrôlés.
Effectivement, la censure se développe de plus en plus et les sanctions pour
faute religieuse comme le blasphème sont
très sévères. On peut donc voir que l’intolérance devient sociale et non
plus seulement religieuse.
ð On voit donc que l’intolérance en Espagne atteint
son paroxysme au XVIème siècle puisque
celui qui a obtenu le certificat de pureté du sang est vu comme supérieur aux
autres. Cette intolérance élargit le champ de ses justiciables tout en touchant
un nouveau domaine : le social.
Ainsi,
dès la fin du 15ème siècle, on assiste à la constitution d’une société fondée
sur le rejet et l’exclusion. L’Inquisition et les décrets sur la "limpieza de
sangre" se sont développés jusqu’à entrer dans les mœurs même du pays. Tout cela
indique une victoire de l’intolérance en Espagne à cette époque et qui
perdurera jusqu’au 19ème siècle avec la fin des décrets et de l’Inquisition. Reste à poser la question du nombre effectif de victimes des persécutions sur une période aussi longue.
Exposé de Sellis (EC2): Lundi 17 février à Séville
Exposé de Sellis (EC2): Lundi 17 février à Séville
SEVILLE
AU
SIECLE D'OR
Le siècle d'Or de l'Espagne, ce moment unique après le processus de Reconquête et la découverte du Nouveau Monde, et dans lequel l'Espagne se remplit
de soldats, d'aventuriers, de missionnaires, de mystiques, de brigands...fut
vraiment un âge d'or pour la ville de Séville, "cette nouvelle
Babylone" comme la nomma Lope de Vega, qui lui consacra quelques unes de ses oeuvres théâtrales et poétiques.
I) Quels sont
les éléments qui ont permis à Séville de se démarquer des autres grandes
villes espagnoles durant le siècle d'Or.
Le siècle d'Or n'est pas un phénomène exclusif
à la ville de Séville, c'est un phénomène qui touche l'ensemble de l'Espagne et
des pays hispaniques à partir du règne de Charles Quint. C'est une période de
rayonnement culturel de l'Espagne en Europe et dans le monde du XVIe siècle au
XVIIe siècle. On peut donc parler de "Siècles d'Or".
Séville, grâce à sa position géographique, va profiter plus que les autres villes de l'exploitation du
"Nouveau Monde". Les importations provenant des Amériques et en
particulier l'or, transitent par Séville. C'est le point de passage de l'or avant
qu'il n'envahisse l'ensemble de la péninsule et l'Europe. L'activité portuaire
est donc décisive à cette époque, elle va enclencher le dynamisme économique de la
ville. En 1503, les Rois Catholiques créent à Séville la Casa de Contratación,
chargée de contrôler toutes les opérations commerciales d'outre-mer ; son
trésorier est chargé de lever pour le roi d'Espagne le cinquième, ou quinto, de
ce que produit l'Amérique.
La ville peut aussi compter sur une croissance
démographique importante. Elle compte la population européenne la plus
importante après Paris, Londres et Naples. Elle passe de 60 000 habitants vers
1550 à 160 000 citoyens un siècle plus tard.
II) La place très importante de l'art à Séville à
cette époque, qui devient une référence dans le domaine artistique dans
l'Europe toute entière.
Malgré un gouvernement difficile de la ville
(corruption, juridictions multiples et abusives, vénalité des charges),
l’expulsion des Morisques en 1610, les crues répétées du fleuve (1626), et le
départ de la cour à Madrid (1606), une vie intellectuelle et artistique s’y
développe. L’aristocratie, éprise de culture classique et très érudite, va
permettre à Séville d'être le berceau de la culture en Espagne. Cinq théâtres
sont attestés entre 1600 et 1649, et plusieurs académies sont en activité dont
celle de Mal Lara.
A/ L'importance de l'Eglise dans les productions artistiques de cette
époque.
Le XVIe siècle est marqué par l'intense activité de l'Inquisition en Espagne.
Cette traque des foyers du protestantisme dans le pays est en parallèle
accompagnée d'une expression de plus en plus marquée de la religion dans les
oeuvres des artistes.
L'artiste sévillan Francisco Pacheco est décisif dans le l'orientation
que va prendre la création, notamment les peintures, durant le Siècle d'or. Il
est en effet Veedor pour l’Inquisition, chargé de vérifier la conformité des
œuvres produites à la nouvelle orthodoxie catholique de la Contre-Réforme.
Publié après sa mort en 1649, son traité Arte de la Pintura, dans lequel il
détaille les règles de l’orthodoxie chrétienne, est précieux par ses
indications sur les techniques artistiques de l’époque, ainsi que sur le
contexte de création.
Il définit la peinture comme moyen de “parvenir à un état de grâce”, “de
susciter la piété et rapprocher de Dieu”, elle doit “s’efforcer de détourner
l’homme du vice et l’amener au culte du Seigneur Notre Dieu”. Le peintre est
donc un vecteur entre l'espace cosmique lié à l'homme et l'espace divin.
Pacheco a signé trois grands chefs-d’œuvre : Le Jugement Dernier, Le christ
servi par les anges dans le désert et Saint Sébastien soigné par Sainte Irène.
Alonso Cano et Velázquez font partie des élèves de son atelier, tout deux des
artistes clés de ce siècle; avec des artistes comme Zurbarán ils vont être les
précurseurs de Naturalisme.Né en 1599 Diego Velázquez est
l'un des peintres les plus importants d'Espagne et influença de nombreux
Né en 1599 Diego Velázquez est
l'un des peintres les plus importants d'Espagne et influença de nombreux
artistes. Un nombre sans cesse croissant d'hommes d'État, d'aristocrates et de
membres du clergé venant de toute l'Europe commandent des portraits à ce
peintre de la cour de Philippe IV. Ses portraits du roi, de son premier
ministre, le comte d'Olivares, ou du pape lui-même font preuve d'une croyance
profonde dans le réalisme artistique et d'un style original qui influence
nombre de maîtres hollandais. Ceux-ci, dans lesquels il fait les premières
expériences d'éclairage naturel dans l'art européen, ont une influence durable
sur la peinture occidentale. Son amitié avec Bartolomé Esteban Murillo, le chef
de file de la génération suivante des peintres espagnols, assure la
perpétuation de son influence.nce.
B) La spécificité de l'achitecture sévillane
L'architecture sévillane use de matériaux
particuliers qui lui donne une part de son originalité: l'utilisation de la
brique et du plâtre d'origine (mudéjar), par leur couleur, leur expressivité.
Le plâtre, la faÏence (azulejos), les bois dorés et polychromes, les peintures
murales enfin ordonnées comme des tapisseries participent à l'extraordinaire
richesse ornementale des monuments.
La spécificité de la maison sévillane au Sièce d'Or
Elle présente une complexité de plan caractéristique.
De la rue on accède d'abord à une sorte de grand place (el picadero) où donnent
les écuries, les remises et les communs; de là on passe à l'apeadero couvert,
qui conduit à la maison à proprement dite.
III) La fin de l'hégémonie
européenne de Séville
Le déclin de Séville s’est amorcé dès 1606, lors de
l’installation de la Cour à Madrid. Cette dernière attire les intellectuels et
les artistes : Diego Velázquez quitte sa ville natale en 1623 pour devenir
Peintre du roi. Les hommes qui étaient des hauts dignitaires de la culture originaires de Séville s'expatrient en Espagne et dans certains autres pays d'Europe.
Séville va aussi connaître un
drame démographique, la démographie qui etait un de ses atouts les plus
importants. L’année 1649 est l'année durant laquelle la grande peste a très
sévèrement touché la ville, en emportant la moitié de la population.
Le Siècle d’or qui, au final, ne
bénéficia guère au peuple espagnol, prit fin lorsque commença le brillant
Siècle de Louis XIV, qui fut aussi celui d’une grande misère pour le peuple
français. L’or du Nouveau Monde, des peuples conquis, Aztèques et Incas dans sa
majorité servit à financer des guerres, des édifices et des banquiers
étrangers. Marqué dès avant sa naissance, sous le règne des Rois Catholiques,
par la fin de la Reconquête contre les Maures et le décret d’expulsion des
juifs — qui eurent trois mois pour quitter la terre de leurs ancêtres ou bien
se convertir —, ce fameux siècle prit la courbe de sa décadence avec
l’expulsion massive et définitive des Morisques (musulmans convertis), sous le
règne de Philippe III. Le déclin de Séville n'est pas un cas isolé, c'est toute
l'Espagne qui perd de sa splendeur au profit d'autres pays comme la France par
exemple.
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