Les peintres espagnols de cette époque sont très marqués par
l’influence italienne, et notamment par Le Caravage (du fait de l’intensité de
contrastes en clair-obscur, on parlera de « ténébrisme
caravagesque »). L’influence hollandaise sera aussi prépondérante,
notamment avec Rubens qui s’installe à Madrid à la cour de Philippe IV.
Parmi les peintres les plus connus de cette époque, intéressons-nous
à Velázquez (1599 - 1660), Zurbarán (1598-1664), et Murillo (1617 ou
1618 –1682)
Quels sont leurs liens avec Séville ?
Murillo et Velázquez sont sévillans de naissance, et Zurbarán y paracheva ses études de peinture
et s’y installa. Murillo né à Séville (décembre 1617 ou janvier 1618) et mort à
Séville (le 3 avril 1682) est remarquable par sa fidélité à sa ville natale. Moins
fidèle, Velázquez, après ses débuts sévillans, partira s’installer à Madrid,
comme peintre de la cour de Philippe IV.
Qu’est-ce qui les caractérise ?
Pour ce qui est de Velázquez, nous ne nous
intéresserons qu’à sa période sévillane qui correspond à son apprentissage et à
ses premières œuvres. Alors qu'il
n'avait que 18 ou 19 ans, il peint des natures mortes ou des scènes du
quotidien, comme La Vieille femme faisant frire des œufs :
Vieille femme faisant frire des
œufs, 1618
Dans ces toiles, une forte lumière orientée accentue les
volumes et des objets simples paraissent se détacher au premier plan. Velázquez
tentait, comme dans certaines des œuvres du Greco, de pratiquer un clair-obscur personnel.
Une autre scène de genre qui imposa le jeune Velázquez comme
un artiste exceptionnel est Le Porteur d'eau de Séville (vers 1620) :
La clientèle sévillane, majoritairement ecclésiastique,
demandait des thèmes religieux, des toiles de dévotion et des portraits, ce qui
explique que la production de cette époque se concentrât sur les sujets
religieux comme L’Immaculée Conception :
Immaculée Conception de Diego Velázquez, vers
1618
et son pendant, le Saint Jean à Patmos du couvent des
carmélites de Séville :
Saint Jean à Patmos de Diego Velázquez, vers
1618
Contemporain et ami
de Velázquez, Zurbarán se distingue fortement par ses peintures religieuses —
où son art révèle un profond mysticisme — et il devient un artiste emblématique
de la Contre-Réforme.
Le martyre de Sérapion
L'élément religieux
de l'art espagnol a en effet pris une importance accrue et Philippe IV apporte
un soutien appuyé aux artistes qui partagent ses opinions sur la Contre-Réforme
et la religion. L'œuvre austère et ascétique de Francisco de Zurbarán illustre
cette tendance. Son mysticisme - influencé par Sainte Thérèse d'Avila - finit
par devenir une caractéristique de l'art espagnol des dernières générations du
Siècle d'or. Influencé par Le Caravage et les maîtres italiens, Zurbarán
consacre son travail artistique à la représentation de la religion et de la
foi.
Voici un échantillon du mysticisme de
Zurbarán dans un portrait de Saint François d'Assise :
Saint François d'Assise à genoux
D'abord très marqué par le Caravage, son style austère et
sombre évolue pour se rapprocher des maîtres maniéristes italiens, comme on
pourra le percevoir dans le tableau L'Immaculée Conception de 1661 :
Zurbarán se démarquera de la vision réaliste de Velázquez et, d'une
certaine façon, se tournera plutôt, pour l'inspiration et la technique, vers la
vision émotive du Greco et des peintres maniéristes qui le précédent, même s'il
reste dans le sillage de Velázquez en ce qui concerne la lumière et les
nuances.
Cette évolution vers un certain maniérisme, très sobre et
épuré chez Zurbarán, se remarquera aussi chez Murillo, comme l’atteste
l’évolution entre les deux tableaux suivants sur un même sujet :
L'Immaculée Conception par Murillo en
1665-70
Immaculée Conception par Murillo en 1678
L’essentiel des œuvres de Murillo sont religieuses, comme La Vierge du Rosaire:
Œuvres religieuses qui lui valent un immense succès.
L’Annonciation par Murillo
Mais Murillo est aussi renommé pour ses peintures de genre,
particulièrement des portraits d'enfants pauvres, tel le portrait du « jeune
mendiant » :
Le Jeune Mendiant est souvent appelé "Le
Jeune Pouilleux" : il est en train de se débarrasser de puces. C'est
la première représentation picturale connue d'enfants des rues. Le peintre a
sans doute été inspiré par la misère régnant dans les rues de Séville.
Influencé par le courant caravagesque, Murillo insiste sur les détails sordides
et peint de forts contrastes d'ombre et de lumière.
Murillo est un des rares peintres baroques à
peindre la pauvreté sans commisération ni pathos, et à représenter la misère et la pauvreté
sous des aspects aimables, dans une perspective chrétienne.
Si l’on voulait, en guise de conclusion, dégager les traits
principaux d’une « peinture sévillane » (si tant est qu’une telle
catégorie ait un sens !), il nous faudrait remarquer une inspiration qui
se partage entre une spiritualité intense (mais dont l’ascétisme sévère tend à
s’adoucir quelque peu) et une attention au quotidien et aux scènes de genre
explorant la vie la plus humble.