Deuxième jour aussi riche en découvertes et sensations que le premier:
- Tout est affaire d'organisation, comme nous voyageons de ville en ville, impossible de nous poser vraiment à l'hôtel et de prendre un peu le temps de vivre le matin. Nos horaires tiennent parfois de la caserne! Les bagages chargés dans le coffre du bus, nous voilà partis pour le centre, direction l'Alcázar.
- Nous avons une heure devant nous pour l'exposé de Baptiste et Esther sur Al-Idrissi, célèbre géographe andalou. Passionnant de voir ses cartes où notre Nord est son Sud et où l'Océan est "ténébreux". M. Darier encourage ses étudiants qui ont travaillé sous sa direction à parler plus fort, moins vite car il y a tant à noter.
- C'est au professeur cette fois-ci de nous donner matière à mieux comprendre ce que nous verrons lors de notre visite de l'Alcázar: comprendre que ces palais-forteresses sont aux antipodes des châteaux-forts occidentaux, comprendre ce qu'est l'art mudéjar, art de contact de d'échange, mieux cerner les personnalités et les politiques d'Alphonse XI ou de Pierre le Cruel/ Le Justicier.
- La visite de l'édifice et des jardins commence à 10H: les lieux étant aussi résidence officielle des souverains actuels, les consignes sont très strictes à l'entrée. Notre groupe découvre d'abord les jardins, cet art de vivre exceptionnel, regrette de ne pas avoir accès au labyrinthe de verdure... puis l'intérieur de l'édifice et notamment la salle des ambassadeurs d'Alphonse XI (mentionnée dans le Burlador de Tirso de Molina que les hispanisants de LS1 et LS2 étudient avec moi) , la partie érigée sous Pierre I, la zone correspondant à la Casa de Contratación... les époques se mêlent, pas si facile de se repérer dans la chronologie parfois. Le groupe commence à apprendre à lire les façades, à déchiffrer devises et blasons. On retrouve facilement les armes de la Castille, d'Aragon, du Léon... déjà visibles à la Cathédrale et l'on découvre le blason de la Orden de la Banda créée par.... Alphonse XI pour sa suite composée de chevaliers désargentés.
- Le temps libre est l'occasion de paresser sur une placette pour y écouter un guitariste ou de découvrir le quartier de Santa Cruz avec un document d'accompagnement prévu dans le livret de voyage. Malika, Sabrina, Julia, Théo, Laurie et Salomé ont fait presque tout le tour prévu.
- L'après-midi, changement de maître de cérémonie, c'est M. Müller qui nous entraîne sur les traces d'un personnage littéraire que les Français connaissent bien, la Carmencita: promenade entraînante qui nous conduit des arènes de la Maestranza à la Torre del Oro et de la fabrique de tabac à l'église Santa Ana de Triana, réputée pour sa trinité "décalée" composée d'Anne, de Marie et de l'enfant Jésus, une trinité qui n’était pas vraiment du goût des autorités ecclésiastiques d'autant plus qu'Anne n'apparaît pas dans le Nouveau Testament. M. Müller navigue le long du Guadalquivir, "sous les remparts de Séville", entre Mérimée et Bizet et cherche à dresser le portrait le plus précis possible de la gitane. Le texte de la nouvelle et de l'opéra est lu ou commenté et l'analyse insiste sur les détails physiques, sur la psychologie, sur le comportement du personnage: diabolique, dangereuse, fascinante, animale, la Carmencita est la perdition des hommes, la victime des préjugés d'une société profondément machiste.
- Vite, vite, nous sommes en retard, impossible d'aller jusqu'au Cristo del Cachorro pour y voir cette sculpture faite à partir du visage mort d'un gitan poignardé. Teo nous attend pour nous conduire à Cordoue. En route, de la musique: Isaac Albéniz et son évocation de Triana que nous venons de quitter, une composition alerte et complexe où les notes bondissent mais aussi se teintent parfois de mélancolie. Et puis une sélection de compositions instrumentales ou vocales du temps de Charles Quint. L'occasion pour moi d'évoquer l'épouse de ce dernier, la très belle et très cultivée Isabelle de Portugal.
- Arrivée au crépuscule à Cordoue, nous longeons le Guadalquivir alors que les réverbères s'allument peu à peu, nous traînons nos valises dans le centre historique interdit aux voitures. Une tout autre ambiance, Cordoue est un mouchoir de poche mais qui enferme un trésor.
- Découverte de notre hôtel bien différent du modèle standard de celui de Séville. Ici il s'agit une petit hôtel de famille construit autour d'un patio sur lequel donnent nos chambres. Nous sommes comme à la maison. Dans un coin, el rincón sefardí, cet hôtel est inscrit comme étape possible sur la route de l'Espagne séfarade.
- Un dîner cordouan avec pisto et aubergines au miel, beaucoup de questions de Teo sur nos jeunes, sur les études qu'ils font, sur les rapports que nous entretenons avec nos étudiants: "Mira Elisabeth, yo te puedo decir que esos jóvenes están muy muy bien educados."
- Puis la promenade nocturne dans la Ville basse, sous une pluie fine qui n'entame pas notre bonne humeur ni l'entrain de notre guide, M. Darier, qui non seulement lit le plan mais aussi nous régale de commentaires sur les places et rues que nous empruntons. Un arrêt de rigueur devant le Cristo de los Faroles et la Plaza del Potro où Cervantes aurait séjourné et qui serait mentionné dans son roman phare (conditionnel de rigueur car si le personnage du Grand Capitaine est en effet cité dans l'un des chapitres de la Partie I - soit dit en passant, Gonzalo Fernández de Córdoba était de Montilla! - rien ne dit que l'auberge dans laquelle séjournent les personnages est celle du Potro.
- Enfin, un moment convivial dans le lieu le plus branché de la ville, le Sojo Bar Fusión: terrasse sur les toits de cet édifice ultra moderne, vue splendide sur le pont romain et la Torre de la Calahorra, mojitos en plein air alors que nous sommes en février et puis une scène surréaliste dans la rue, à nos pieds: un groupe s'entraîne pour les processions du printemps avec un char dont la plateforme n'accueille qu'un vague pantin. Les soirées sont un moment essentiel pour décompresser et mieux se connaître. Des petits groupes amicaux se forment, nos Minis Clos sont déjà parfaitement intégrées.
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