mercredi 26 février 2014

De Don Juan à Luke Skywalker

Sixième et dernier jour, le lundi 17 février, il y a un peu plus d'une semaine. Le jour se lève, un soleil voilé nous attend. Quelle sera l'attitude des étudiants après une soirée qui s'est un peu prolongée, histoire de refaire encore le monde devant l'hôtel au retour du Luisiana ou de courir s'acheter un paquet de gâteaux pour les éternels affamés. Tout va bien, ils arrivent d'un pas tranquille mais assuré pour se régaler une dernière fois de chocolate con churros. Nous retrouvons Teo et laissons valises et paniers-repas du soir dans le car. A 9H15 nous sommes fins prêts pour notre dernière promenade littéraire consacrée à Don Juan.


- Une promenade qui a failli ne pas se faire, les doutes, le stress, la nécessité d'adapter en fonction des réactions du groupe et de choisir le moment toujours opportun. Mais non, finalement, nous y avons cru et tout se déroulera le mieux du monde. Du démarrage sur la Plaza de los Refinadores, devant la statue érigée à Tenorio en 1975 jusqu'à la Plaza de los Venerables devant la Hostería del Laurel où José Zorrilla aurait écrit son drame romantico-sentimental, contribuant d'une certaine façon à l'implosion de la structure mythique, nous allons de place en place et de statue en statue (avec un soupçon de portes!), avec l'aide précieuse de M. Müller qui joue les éclaireurs pour que nous ne perdions pas trop de temps. Le thème est à la fois plutôt connu des étudiants, tous ont lu le Dom Juan de Molière mais tous ne suivent pas mon cours de littérature qui explore le mythe et traite de son évolution entre la version baroque de Tirso de Molina (1620-1630) et la version romantique de Zorrilla (1844). Je les mets d'ailleurs tout de suite en garde contre la complexité de l'approche qui va nous conduire à passer d'une oeuvre à l'autre. Qu'à cela ne tienne, les regards sont plutôt concentrés et enclins à suivre le raisonnement. Nous cheminerons ainsi dans le quartier de Santa Cruz et le Centre à la recherche des lieux mentionnés dans les deux œuvres ou des personnages fictifs ou bien réels, sans oublier d'évoquer la question cruciale de la récupération du mythe et surtout de la version de Zorrilla à des fins de marketing touristique. Car comment comprendre autrement la présence de statues ou de plaques souvent très récentes qui visent à rappeler l'ancrage sévillan de ces œuvres et que, tout compte fait, Don Juan ne pouvait être que de Séville. DJ, le Burlador ou le Tenorio, DJ et le galant des romances, DJ et les nonnes, DJ et la ville, DJ et le théâtre, DJ et la nourriture... J'essaye de synthétiser au mieux et de renvoyer sans cesse à deux thématiques qui me semblent essentielles dans la perspective de leurs concours: les rapports entre fiction et réalité, Séville comme espace théâtral.



- Après une halte sur les marches devant l'Hospital de la Caridad financé par Miguel de Mañara, vrai faux Don Juan dont l'existence va fasciner à ce point les romantiques européens qu'ils vont trouver en lui un motif d'inspiration qui contribuera à rénover mais aussi à compromettre le mythe, ce sont d'autres marches qui vont nous accueillir, cette fois devant El Archivo de Indias, pour un très bon exposé de Sellis sur Séville au Siècle d'Or dans lequel il revient sur le rôle prépondérant de la cité dans le commerce avec le Nouveau Monde mais aussi sur les retombées de ce monopole qui en font la capitale du Sud, populeuse, exubérante, créative, aux antipodes de l'austère Madrid, capitale désignée en 1561 par Philippe II. Nous comprenons mieux maintenant pourquoi DJ ne peut être que de Séville.


- 13H, il est temps de finir la promenade thématique même si je voulais pousser jusqu'au monument à Colomb, histoire de rappeler que le Burlador, antihéros par excellence, naît à une époque où l'Espagne ne fabrique plus de héros nationaux. 
- Après une pause nécessaire que certains ont utilisée pour se restaurer, d'autres pour courir accrocher des cadenas sur le Puente Triana (!), nous voilà repartis pour notre dernière activité ludique du séjour, un grand jeu de pistes par groupes interfilières dans le Parc María Luisa qui a toujours eu cette allure un peu fantomatique comme tous ces lieux créés de toutes pièces pour un événement donné (exposition ibéro-américaine de 1929) et qui ensuite survit à grand peine. Le groupe a noué des liens plus étroits qu'on ne le pense, du coup nous restons tous plus ou moins ensemble, nous avons du mal à nous séparer en sous-groupes et à instaurer un vrai climat de compétition. Des questions sur les grands hommes en façade du Palais San Telmo, des questions sur la Découverte, des consignes pour l'élaboration express de mini-exposés sur le Pérou (clin d'oeil à notre ami assistant de l'année), pour l'observation attentive de la Glorieta a Bécquer puis des bancs de la Plaza de España, M. Müller est partout, court devant, motive les troupes, écoute et note les prestations des uns et des autres tandis que M. Darier me fait noter que cette Place où nous allons faire notre dernier bilan a servi de décor à un épisode de .... La Guerre des Etoiles. Nous rappelons aux étudiants que le but du jeu était aussi de tester leur capacité à travailler en groupe de façon urgente, leur réactivité et créativité. C'est le groupe C composé de Sellis, Bastien, Julia, Sabrina, Chloé L. et Salomé qui arrive en tête: connaissances, esprit de synthèse, clarté du plan pour l'exposé, don d'observation (une mention spéciale pour Salomé qui a tout vu et tout entendu!), rapidité d'exécution... Ils y ont cru!

- Il est temps de nous asseoir pour commencer à corriger les livrets, pour faire un bilan de ces six jours intenses. C'est à la jeune Chloé B., qui aura rejoint le groupe au pied levé, de conclure par une réflexion engagée sur une possible identité andalouse. Cette élève volontaire et dynamique jusqu'au bout nous présente le fruit des échanges qu'elle a pu avoir avec des Andalous rencontrés ces derniers jours et nous livre ses propres impressions complétées de façon très spontanée et émouvante par d'autres étudiants qui dressent un bilan plus que positif du séjour. Beaucoup ne veulent pas rentrer, ce qui est plutôt bon signe.


- La fin de la journée va défiler comme dans un rêve: les mots de la fin dans le car qui nous conduit à San Pablo, les chants de remerciement des élèves, le klaxon de Teo qui nous dit adieu, le temps qui s'étire à l'aéroport: une dernière carte expédiée d'Espagne par Malika, des regards fatigués mais contents, un peu de retard au décollage et un atterrissage un peu sec mais les parents sont tous là, notre groupe se disperse, rendez-vous début mars!






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