vendredi 31 janvier 2014

Un exposé d'un de mes anciens étudiants en 2007

Je me souviens parfaitement de ce samedi matin qui venait clôturer notre Semaine consacrée à la Convivance dans l'Espagne des Trois Cultures. Un programme extrêmement riche avait été offert aux étudiants de CPGE mais aussi à l'ensemble des classes du Secondaire intéressées: conférences par des historiens, linguistes, scientifiques, médecins... concerts et représentations théâtrales... ciné-club. Un menu de très grande tenue.
C'est Max Martin, un de mes anciens Khâgneux, aujourd'hui professeur de Lettres dans notre Lycée, qui avait accepté de traiter ce sujet que je lui proposais autour du Voyage en Espagne des auteurs français du XIXème siècle.
Je retrouve son texte et vous le livre, il est précieux, faites-en bon usage.


-          Espagne orientale, Espagne andalouse traversée, vécue ou imaginée, fantasmée ?
-          La création du mythe de l’Espagne de la convivance et plus particulièrement de l’Espagne christiano-musulmane
-          La peinture des lieux : lorsque l’architecture et les paysages évoquent le paradis perdu
-           L’Andalousie est pour eux l’incarnation du syncrétisme des trois cultures et de cette Espagne des 3 religions, avec particulièrement une fascination admiration pour Grenade
-          Les différences de traitement, notamment au niveau des religions pour Hugo et Chateaubriand
-          Evocation de l’histoire de la Reconquête et surtout du moment où les Maures ont perdu l’Espagne : relate opposition

è modèle de syncrétisme culturel, brillante civilisation au niveau architectural ; au niveau des arts et des sciences
è intertextualité à propos de Grenade entre Chateaubriand et Hugo à propos de l’Alhambra
è importance de la danse et du chant
è Gautier apporte nuance à description traditionnelle de l’Alhambra page 273-274 : beau mais rien de grandiose, et n’est pas aussi merveilleux que l’on pourrait se l’imaginer mm si ensuite il en fait l’éloge y compris dans ces poèmes è aussi importance de la représentation qu’on en a


Introduction :
a)      Présentation de la trame des 3 œuvres étudiées :

-          Voyage en Espagne et España de Théophile Gautier : du 5 mai au 7 octobre 1840, Théophile Gautier découvre l’Espagne. Ce séjour de six mois lui fournit la matière de son Voyage en Espagne (1843), sorte de carnets de voyage et d’impressions, marqués par la fraîcheur du regard, l’étonnement de la vision et le souci prégnant de la justesse du dire. Ce voyage et ces découvertes de l’Espagne donnent lieu à de nouveaux vers dans España, recueil de poèmes centrés autour des différentes étapes de son voyage, qui paraissent dans le recueil des Poésies complètes en 1845.
-          Les Orientales de Victor Hugo sont un recueil de 41 poèmes, publié en 1829. Victor Hugo avait une certaine fascination pour l'Orient , sa culture et ses moeurs. L'auteur rassemble dans ce recueil tous les poèmes qui s'y rapportent, et en particulier un cycle de poèmes consacrés à l’Espagne. Cette Espagne qu’il chante est celle qui garde la trace de cette convivance historique entre musulmans, juifs et chrétiens, c’est cette Espagne qu’il admire et qui le fascine.
-          Les Aventures du dernier Abencérage de François René de Chateaubriand. L’histoire qui nous est narrée est une histoire d’amour dans cette Espagne qui vient à peine d’être totalement reconquise par les Rois Catholiques aux musulmans. Un jeune prince maure, Aben-Hamet, revient en Espagne, là où sont morts ses ancêtres, pays qu’il ne connaît pas. Il se recueille sur les lieux où ils étaient et pleure ce paradis perdu par les Maures. Au cours de ses errances dans Grenade, il rencontre une sublime jeune femme, Blanca. Elle est chrétienne, lui est musulman, leur amour est impossible. C’est tout cela dont ils prennent conscience au pied de l’Alhambra.

b)      Pourquoi ces trois œuvres ?
Toutes traversées par le mythe de l’Espagne des Trois Cultures. A chaque fois, les auteurs sont fascinés par cette civilisation dont on ne conserve plus que les traces et qui appartient à une époque révolue.

c)      Problématique : Comment ces trois œuvres accomplissent-elles la réalisation littéraire du mythe de l’Espagne des Trois Cultures comme idéal de syncrétisme ?

d)     Plan

I)Quelle Espagne ? Espagne orientale, Espagne andalouse traversée et vécue ou imaginée et fantasmée ?

1)        L’Espagne qui imprègne l’œuvre des trois auteurs : l’Espagne des Trois Cultures au temps de la domination des Maures (rappel historique bref ; dates Espagne mauresque ; où en Espagne ; à quelle époque plus précise les œuvres font référence parfois)

è L’Espagne qui imprègne les trois œuvres est celle de l’Espagne musulmane, l’Espagne des Trois Cultures.
à pas rappel historique mais c’est l’Espagne conquise par les arabo-musulmans entre 711 et 1492, date à laquelle les rois catholiques conquiert le dernier royaume musulman, celui de Grenade. L’Espagne qui les fascine est donc celle qui a vu coexister les trois grands monothéismes que sont l’Islam, le Judaïsme et le Christianisme au Moyen-Age dans Al Andalus, cette Espagne musulmane dominée par les Maures.
è l’époque à laquelle les œuvres font référence est celle-ci, l’Espagne des Trois Cultures
à pour Dernier Abencérage : Il situe l’intrigue de sa nouvelle à Grenade au début du XVIe siècle lorsque les Rois Catholiques Isabelle et Ferdinand ont conquis depuis longtemps le sud de l’Espagne après avoir chassé la dynastie mauresque des Nasrides, responsables du massacre des Abencérages,  dont le héros est le dernier descendant même si lui est né dans les environs de Tunis sur le lieu des « ruines de Carthage ». Mais imprécision temporel car il nous est dit que se déroule  « 24 » ans après la prise de Grenade soit en 1516. Or il dit que François Ier a été vaincu à Pavie et qu’il est détenu en Espagne soit en 1525 :
1525 : 24.2. François Ier prisonnier à Pavie, emmené à Madrid. Louise de Savoie régente.
1526 : 15.3. François Ier est échangé au milieu de la Bidassoa contre ses fils (François 8 ans et Henri 7 ans, qui resteront captifs 4 ans, jusqu'au remariage de leur père avec Éléonore, sœur de Charles Quint)
            à pour Victor Hugo les époques sont multiples : il évoque tantôt le début de l’Espagne musulmane avec « Romance Mauresque » car parle de Rodrigue de Lara, roi de l’Espagne wisigothe qui lutta contre le fils du précédent roi et fut à l’origine de la guerre civile qui amène les Maures en Espagne, d’autres n’ont pas d’époque précise mais pendant époque musulmane, d’autre pourraient être au présent.
            à Quant à Gautier se sont des poèmes qui décrivent l’Espagne contemporaine de Gautier hormis « Le soupir du More » qui reprend l’épisode du roi Boabdil fuyant Grenade et jetant un dernier regard sur la ville
è Mais toutes œuvres se concentrent sur l’Espagne dominée par les Maures, ou ce qu’il reste de cette Espagne

è tout d’abord cette Espagne musulmane ne vaut pas pour toute l’Espagne puisque au Nord-Ouest on avait des royaumes chrétiens et les Pyrénées orientales et le région de Barcelone sont vite aux mains des chrétiens également
è mais l’Espagne qui préoccupe les trois auteurs c’est avant tout l’Andalousie.
à Théophile Gautier dans Voyage en Espagne lui évoque tout le territoire espagnol puisqu’il narre le voyage par lequel il descend vers le sud puis remonte vers France mais en ce qui concerne España ce sont principalement des poèmes qui se passent en Andalousie de la région du sud de l’Espagne où se trouve Séville, Grenade, Cordoue …
à Pour Chateaubriand et Victor Hugo, c’est quasi uniquement l’Espagne andalouse puisque les Aventures du dernier Abencérage se déroulent dans la ville de Grenade et pour Victor Hugo l’Espagne qu’il nous décrit est celle du Sud, on peut songer particulièrement au poème intitulé « Grenade »

2)        L’Espagne de T. Gautier et F.R. de Chateaubriand : une Espagne vécue dans des voyages et des récits de visions : page 43 (Av.Der.Aben.)

è l’Espagne qui est peinte dans les deux œuvres a été vécue par les deux auteurs puisque tous deux ont traversé l’Espagne à un moment donné
è Chateaubriand a visité l’Espagne. Attiré par l’Orient et prétextant un voyage religieux entre 1806 et 1807. Chateaubriand partait de Venise pour entreprendre un grand pèlerinage culturel et religieux qui l’emmena sur les ruines de la Grèce, en Terre Sainte, en Égypte, en Tunisie et finalement en Espagne, notamment en Andalousie et à Grenade. Ce voyage lui fournit la matière pour son livre Itinéraire de Paris à Jérusalem en 1811. Les Aventures sont en qlq sorte complément publié en 1826 car n’évoquait pas le retour en Espagne dc corrige : «  On m’a reproché de n’avoir presque rien dit de l’Espagne dans l’Itinéraire. […] Je publie donc aujourd’hui Les Aventures …comme une espèce de supplément à l’Itinéraire, et pour réparer l’omission dont on m’a fait reproche. »
Il connaît donc l’Espagne et se sert de ce qu’il a vu des restes de la civilisation musulmane pour nourrir ces descriptions et ces paysages. Mais c’est surtout grâce à Voyage pittoresque en Espagne d’Alexandre Laborde qu’il peut donner descriptions si précises, frère de Nathalie de Noailles qu’il aimait et avait retrouvée en Espagne. Toutefois cela ne l’empêche pas de céder à l’idéalisation d’un monde, d’une époque qu’il n’a pas connue.

èQuant à Gautier, c'est le récit d'un voyage accompli par l'auteur en 1840 en Espagne. L'écrivain a parcouru toute l'Espagne, de la Bidassoa aux bouches de l'Ebre, en passant par Valladolid, Madrid, Séville, Cordoue et Grenade. L'Espagne du Sud surtout l'a ravi, avec son ciel éclatant, sa sierra sauvage, ses senteurs africaines, ses fantastiques décors de l'Alhambra et du Généralife. Il nous décrit donc une Espagne qu’il a vue de ses yeux et toutes les traces de la civilisation arabo-musulmane qu’il a pu observer. Il est enchanté par cette vision mais ce qu’il nous décrit se veut juste le plus possible et il veut éviter la mythification :
-Chapitre XI du Voyage en Espagne « Nous devons prévenir nos lecteurs, qui pourraient trouver nos descriptions, quoique d’une scrupuleuse exactitude, au-dessous de l’idée qu’ils s’en sont formée [de l’Alhambra], que l’Alhambra […] n’a pas le moins du monde l’aspect que lui prête l’imagination. »
Il souhaite donc une description la plus vraie possible ce qui ne l’empêche pas de témoigner une certaine admiration pour ce qu’il décrit.

3)        L’Espagne orientale de Victor Hugo : un merveilleux espace fantasmé

è Victor Hugo se démarque car il ne connaît pratiquement pas l’Espagne, tout au moins pas l’Espagne du Sud dont l’Andalousie qu’il n’a jamais vue à l’époque où il compose Les Orientales (1829).
à En 1810, le général Hugo, qui a rejoint Joseph Bonaparte devenu roi d’Espagne est nommé gouverneur de plusieurs provinces. L’année suivante, Sophie et ses enfants se rendent à Madrid. Ce voyage marque profondément Victor Hugo. A son arrivée, la famille est logée dans le Palais Masserano. Sur ordre de leur père, Eugène et Victor sont mis en pension au Collège des Nobles. Abel entre chez les pages du Roi. La famille revient en France en mars 1812, au moment où les Français doivent quitter l’Espagne.
à Le recueil est marqué par l’enthousiasme pour l’Orient, et particulièrement l’Espagne orientale. Mais l'Orient y est surtout ‘fantasmatique', fantasmé, et la part revenant à l'Espagne andalouse (qu'il n'a pas visitée) et très importante et tout aussi imaginaire, ou tout au moins idéalisée. En elle, se mêlent l'Orient et l'Occident, c’est cela qui fascine Hugo et le conduit à rêver cette Espagne qu’il admire.



II)L’inscription dans une histoire tourmentée : la permanence des oppositions et des conflits, une Espagne divisée

1)      La question religieuse : les différences de traitement. Entre convivance parfaite chez Hugo et antagonismes insurmontables chez Chateaubriand

è Bien que parfois fantasmée, cette Espagne n’apparaît non plus parfaitement unie et ne semble pas avoir fait disparaître radicalement toutes les oppositions entre ces trois cultures et en particulier ces trois religions dont la coexistence n’est pas toujours aussi facile que l’on pourrait le croire.
Ces trois auteurs n’omettent pas cet aspect conflictuel bien qu’il demeure minime dans leurs œuvres hormis dans celle de Chateaubriand qui met en avant des oppositions irréductibles.

è La question religieuse et les problèmes que suscite la coexistence des trois monothéismes ne sont pas traités de la même manière en particulier chez Chateaubriand et chez Victor Hugo.
à En effet, les différences religieuses agissent chez Chateaubriand comme des barrières qui malgré tous les efforts des uns et des autres demeurent insurmontables. Dès le début de la nouvelle,  l’impossibilité de la relation entre Aben-Hamet et Blanca est énoncée :
« Blanca se trouva bientôt engagée dans une passion profonde par l’impossibilité même où elle crut être d’éprouver jamais cette passion. »
à Tous deux envisagent une seule solution pour que leur relation puisse perdurer : la conversion de l’un à la religion de l’autre. Pourtant ni Aben-Hamet ni Blanca ne consentent à abandonner leur religion et à se convertir par amour :
« Musulman, je suis ton amante sans espoir ; chrétien, je suis ton épouse fortunée. […] Chrétienne, je suis ton esclave désolé ; musulmane, je suis ton époux glorieux. »
è ainsi leur situation les conduit à une impasse indépassable, même à la fin lorsque Aben-Hamet songe à abandonner sa foi pour se convertir et épouser Blanca, l’appartenance de Blanca à la famille de ses ennemis le conduit à s’en remettre à Blanca, et est moins sûr de sa conversion. C’est cette appartenance à deux famille ennemies,  les Bivars et les Abencerages qui poussent ensuite Blanca à prononcer ses paroles : « Retourne au désert ! ».
è Les oppositions religieuses semblent donc très fortes et véritablement indépassables.

è En revanche, chez Victor Hugo, ces oppositions semblent nettement moins marquées. Les antagonismes des fois peuvent être dépassés et même oubliés. Dans le poème « Sultan Achmet » le traitement de l’interdit religieux est radicalement différent.
Le sultan s’adresse à « Juana la Grenadine » et lui demande de l’épouser mais Juana pose une condition, qu’il devienne chrétien.
- Fais-toi chrétien, roi sublime !
Car il est illégitime,
Le plaisir qu'on a cherché
Aux bras d'un Turc débauché.
J'aurais peur de faire un crime :
C'est bien assez du péché.

- Par ces perles dont la chaîne
Rehausse, ô ma souveraine,
Ton cou blanc comme le lait,
Je ferai ce qui te plaît,
Si tu veux bien que je prenne
Ton collier pour chapelet.

è ici l’interdit religieux est traité de manière beaucoup plus anodine, comme s’il ne s’agissait pas d’un interdit véritable et insurmontable, le sultan est prêt à se convertir pourvu qu’il puisse l’épouser,  or la conversion est interdite à un musulman.
à Prouve également que Victor Hugo pense une Espagne orientale très fantasmée. Les barrières religieuses n’existent pas pour lui et c’est cela qui le fascine dans cette Espagne.
à Mais c’est largement un idéal.


2)      La persistance de la nostalgie de l’Espagne perdue par les Maures : les conflits christiano-musulmans : chez les trois auteurs : page 70, 78

è chez les trois auteurs, l’on constate la persistance des oppositions entre les peuples, en particulier entre chrétiens et maures pour des raisons historiques.
à la lutte que mènent les chrétiens pour reconquérir l’Espagne et la reconquête réussie contre les arabo-musulmans entraînent des conflits indépassables et qui ne disparaissent pas.
è En particulier, ils évoquent la rancœur des maures contre les chrétiens après qu’ils  aient perdu l’Espagne à pour eux ils leur ont volé leur paradis, leur territoire.
à Quant aux chrétiens, ils n’oublient pas ce qui les a opposés et ce qui les oppose encore aux  musulmans et ce qui a conduit à une guerre entre les deux peuples.
à Les conflits semblent toujours indépassables et les oppositions indéniables.

è Ces oppositions sont visibles chez Hugo dans « Romance Mauresque », chez Gautier dans « Le soupir du More » et dans Les Aventures.

à le poème d’ Hugo met en évidence la rivalité des deux peuples à travers deux personnages Don Rodrigue de Lara, roi chrétien et le Mudarra, qui « commande une frégate du roi Maure Aliatar ».
Don Rodrigue recherche le Maure pour le tuer car il a tué des membres de sa famille et parce qu’il soutient le roi maure. L’antipathie à son égard est évidente et va mm jusqu’à la haine de l’autre parce qu’il est radicalement différent : il l’appelle le « bâtard » et insiste sur sa qualité de chrétien et sur le soutien de Mudarra aux Maures pour le tuer : « Oui par mon âme chrétienne / d’une autre main que la mienne / ce mécréant ne mourra. »
à en même temps Hugo crée des liens de parenté qui unissent les deux hommes comme pour faire de l’alliance des musulmans et des chrétiens le mythe originel de l’Espagne.
à Mais ces alliances sont ici tragiques car la rencontre s’achève par la mise à mort de Don Rodrigue.
è Victor Hugo souligne les  appartenances différentes de ces deux hommes et les allient dans une mm famille en mm tps qu’il montre leurs oppositions comme ici indépassables.

è C’est un peu le mm schéma que l’on retrouve chez Chateaubriand notamment à la fin lorsqu’ Aben-Hamet apprend que Blanca appartient à la famille chrétienne qui a tué tant de maures. Les oppositions sont indépassables et les conflits mm anciens demeurent dans les mentalités.
Tout au long de la nouvelle, les personnages se témoignent d’un respect en tant qu’hommes de valeur et de haute naissance mais en même temps ils se méprisent car appartenant à deux peuples de religions différentes et qui se sont fait la guerre.
à On perçoit soif de vengeance et rancœur Abencérage dans son chant final :
                        « Un Chrétien maudit, / d’Abencérage / tient l’héritage : / c’était écrit ! »
àmais cette haine est aussi celle des chrétiens pour l’Abencérage, ainsi Don Carlos vaincu s’écrie dans un accès de rage : « Frappe, Maure, frappe. Carlos désarmé te défie, toi et toute ta race infidèle. »

è ni les uns ni les autres ne peuvent oublier qu’ils se sont combattus et qu’il s’opposent par de nombreux points. Les arabo-musulmans ne peuvent oublier que les chrétiens leur ont repris l’Espagne, d’où un désir de vengeance ineffaçable.
« Lorsque je vins la première fois visiter cette triste patrie, j’avais surtout pour dessein de chercher quelque fils des Bivars, qui pût me rendre compte du sang que ses pères avaient versé. »
à ce sentiment de perte et de vengeance est perceptible également dans le poème de Gautier : Boabdil pleure sa patrie prise par les maudits chrétiens :
« Fondez, mes yeux, fondez en larmes !
Soupirs profonds venus du cœur,
Soulevez l’acier de mes armes :
Le Dieu des chrétiens est vainqueur ! »


III)L’Espagne orientale et l’idéal de syncrétisme : la mythification d’un âge d’or disparu

A) L’Espagne musulmane comme un modèle de convivance et le choix de l’Andalousie

1)      L’Andalousie idyllique : pourquoi cette fascination, quelles évocations, que représente-t-elle ?

è Pour Chateaubriand et Gautier, description des paysages animée de l’émotion des écrivains quand découvrent cette Espagne musulmane ou plutôt les traces de celle-ci et de la force des visions qu’ils ont pu conservé de leur séjour.
èL’Andalousie est la plus emblématique de cette Espagne orientale qui fascine les écrivains car c’est celle qui en garde le plus de traces aussi car elle fut la dernière à rester aux mains des Maures.
à Au croisement des civilisations, l’Andalousie est modèle de syncrétisme culturel, les monuments et les lieux sont à la fois espagnols et arabes. Tout y est polymorphe et la culture chrétienne s’est superposée à la culture arabe sans la détruire ni l’absorber et le monument est une mémoire de cette brillante civilisation et de cette époque révolue.
è tous les écrivains s’attachent à décrire des villes exceptionnelles qui les fascinent, dont Séville, Cordoue mais surtout Grenade. Grenade est pour eux la ville emblématique de l’époque de coexistence entre les trois cultures en Espagne car aussi était la capitale du dernier royaume maure.
à la nature y est luxuriante et tout semble magnifique, dans un climat privilégié où la nature s’épanouit à Grenade pour Chat. :
« Cette plaine que domine Grenade est couverte de vignes, de grenadiers, de figues, de mûriers, d’orangers ; elle est entourée par des montagnes d’une forme et d’une couleur admirables. Un ciel enchanté, un air pur et délicieux, portent dans l’âme une langueur secrète dont le voyageur qui ne fait que passer a même de la peine à se défendre »
-          A Séville pour Gautier ou à Grenade :
« Des bassins aux flots diaphanes » du Généralife
« Les orangers vermeils et les frais lauriers-roses » de Séville.
« Le laurier du Généralife ».
è Au sein de cet Eden naturel, les arabo-musulmans ont laissé partout leur trace et celle de leur brillante civilisation en particulier dans l’architecture. Tous sont frappés par la coexistence de monuments d’origines différentes qui coexistent dans un même lieu. Cette coexistence de plusieurs cultures notamment dans architecture fascine :
à pour Chat. :
« C’est sur les lieux mêmes que j’ai pris, pour ainsi dire, les vues de Grenade, de l’Alhambra, et de cette mosquée transformée en église, qui n’est autre chose que la cathédrale de Cordoue. »
à pour Gautier dans « Perspective » :
« Sur le Guadalquivir, en sortant de Séville,
Quand l'oeil à l'horizon se tourne avec regret,
Les dômes, les clochers font comme une forêt :
A chaque tour de roue il surgit une aiguille.

D'abord la Giralda, dont l'angle d'or scintille,
Rose dans le ciel bleu darde son minaret ;
La cathédrale énorme à son tour apparaît

Par-dessus les maisons, qui vont à sa cheville. »

à pour Hugo dans « Grenade » :
« Alicante aux clochers mêle les minarets ;
Compostelle a son saint ; Cordoue aux maisons vieilles
A sa mosquée où l'oeil se perd dans les merveilles ; 
[…]
Tolède a l'alcazar maure,
Séville a la giralda.
[…]
Toutes ces villes d'Espagne
S'épandent dans la campagne
Ou hérissent la Sierra ;
[…]
Toutes sur leurs cathédrales
Ont des clochers en spirales ;

Mais Grenade a l'Alhambra. »


èLa fascination toute particulière pour Grenade : ville emblématique de la convivance des trois cultures et en cela symbole du syncrétisme à représente union parfaite de civilisations différentes et les lieux en témoignent

è la description des monuments transcrit par ailleurs l’admiration des poètes pour la beauté, la finesse de l’art des Maures d’Espagne comme le nomme Chat. « l’élégant génie des Maures ». Les monuments les plus emblématiques de la grandeur de cet art sont à Grenade mais aussi à Cordoue : ce sont l’Alhambra, le Généralife, et la grande Mosquée.
à On note à ce propos une forte intertextualité entre Hugo et Chateaubriand en ce qui concerne les descriptions de l’Alhambra et du Généralife :
            -Chat. :
« Ses blancs rayons dessinaient sur le gazon des parterres, sur les murs des salles, la dentelle d’un architecture aérienne, les cintres des cloîtres, l’ombre mobile des eaux jaillissantes, et celle des arbustes balancés par le zéphyr. »
            -Hugo :
« L'Alhambra ! L'Alhambra ! Palais que les Génies
Ont doré comme un rêve et rempli d'harmonies ;
Forteresse aux créneaux festonnés et croulants,
Où l'on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,
Sème les murs de trèfles blancs ! »
è mais aussi mm description enchantée chez Gautier :
          « Je passais du Généralife

A l’Alhambra peint et doré !

[…]
Riant Alhambra, Tours Vermeilles,

Frais jardins remplis de merveilles […] »

è importance de ces lieux merveilleux,  symboles d’une union parfaite entre les cultures et de la richesse de la civilisation arabe, mais richesse perdue.
àL’importance des lieux : peinture de lieux évocateurs qui symbolisent cette union parfaite et ce syncrétisme culturel et religieux.

B) La création littéraire du mythe : un paradis perdu


1)      La fascination pour l’Orient espagnol

è Comme avec exemple art des Maures, ce qui fascine dans l’Espagne des Trois Cultures, c’est son caractère oriental è c’est l’Orient en Occident et en mme temps c la coexistence de l’Orient et de l’Occident au sein d’un mm ensemble politique
è c’est donc avant tout l’Orient arabo-musulman qui intéresse les écrivains
à Hugo le dit lui-même dans sa préface : L'Espagne est en effet le seul pays « oriental » selon ses critères qu'il n’ ait jamais visité.
« Certes, ce n'est pas l'auteur de ce livre qui réalisera jamais un ensemble d'œuvres auquel puisse s'appliquer la comparaison qu'il a cru pouvoir hasarder. Toutefois, sans espérer que l'on trouve dans ce qu'il a déjà bâti même quelque ébauche informe des monuments qu'il vient d'indiquer, soit la cathédrale gothique, soit le théâtre, soit encore le hideux gibet; si on lui demandait ce qu'il a voulu faire ici, il dirait que c'est la mosquée. […] l'Espagne c'est encore l'Orient ; l'Espagne est à demi africaine… »
è donc fascinés par les apports de la culture arabo-musulmane en Espagne et qui entraîne ce fabuleux mélange en Andalousie en particulier
à Hugo, en proie à rêve d'union des contraires et Espagne est une bulle, est une figuration de la sphère idéale où les oppositions se résolvent, celle de l'Orient et de l'Occident notamment.
è cette fascination pour la civilisation arabe touche aussi Chateaubriand comme le montre la description des lieux et lui aussi rêve union parfaite, il rêve amitié possible malgré peuple et religion, et culture, rêve amour possible entre chrétienne et musulman mm si ces espoirs sont déçus et demeure utopie dans son ouvrage
è Quant à Gautier, il admire les apports de civilisation musulmane mais idéalise un peu moins cette Espagne orientale mm s’il est lui aussi fasciné suffit lire « Perspective » ou « Le Laurier du Généralife » pour s’en convaincre s’il faut.

2)      Mythification de la civilisation arabo-musulmane : entre raffinement, richesse et courtoisie : page 47, 70, 83

è on a donc chez ces trois auteurs mais tout particulièrement chez Hugo et Chateaubriand, une véritable mythification de l’Espagne d’Al-Andalus comme accomplissement d’un syncrétisme parfait mais aussi avec mythification de la civilisation arabo-musulmane :
-          raffinement de son art : chez les trois auteurs
-          raffinement de ses manières si l’on prend Aben-Hamet
-          brillante maîtrise des arts et des sciences : Aben-Hamet se fait passer pour un botaniste venu herboriser, il chante des romances, récite des poèmes, utilise un langage imagé. Il est incarnation de la galanterie et de l’amour courtois, il a qualité de courage, de générosité …
« “A quelle marque puis-je vous reconnaître pour le dernier Abencérage ?” […]
- “A ma conduite”, répondit Aben-Hamet. »
3)      Une nostalgie qui imprègne toutes les œuvres : le paradis perdu

è tous regrettent une sorte d’âge d’or définitivement évaporé


èLa réalisation littéraire du mythe de l’Espagne des Trois Cultures : l’idéal de syncrétisme
èLa mythification d’une Espagne orientale qui semble à jamais perdu : l’Age d’Or

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